Naturel et synthèse : le parfum, un art d'équilibre

Conférence du 18 décembre 2025 – animée par Céline Ellena et Claire Lonvaud

La conférence « Naturel & synthèse, le yin et le yang de la parfumerie », animée par Céline Ellena, parfumeur indépendant, et Claire Lonvaud, fondatrice de Passion Nez, a permis de remettre à plat un débat devenu trop souvent caricatural.

Dans un contexte où les consommateurs réclament davantage de naturalité, de transparence et de sens, la parfumerie se retrouve prise entre croyances, raccourcis marketing et réalités scientifiques. Il est temps de réintroduire de la pédagogie.

Une histoire fondatrice entre chimie et imaginaire

La parfumerie moderne est née le jour où elle a cessé de vouloir simplement copier la nature.

Dès la fin du XIXe siècle, l’introduction de molécules de synthèse comme la coumarine ou la vanilline a marqué un tournant décisif. Elles ont permis au parfum de dépasser les limites de l’extraction naturelle, raconter des histoires inédites, créer des familles olfactives entières. Sans synthèse, pas de fougère, pas de chypre moderne, pas de parfumerie imaginative.

Le naturel coûte-t-il toujours plus cher que la synthèse ?

La réponse est plus nuancée qu’il n’y paraît.

Oui, certains naturels sont extrêmement coûteux : l’iris, le jasmin grandiflorum IGP Grasse, certaines absolues à faible rendement.

Mais à l’inverse, certaines molécules de synthèse nécessitent des procédés complexes, longs et coûteux à développer en laboratoire. Le prix d’un ingrédient ne dépend pas de son origine mais de sa rareté, de sa complexité et de son mode de production.

La synthèse est-elle forcément issue du pétrole ?

Là encore, c’est faux. On distingue :

  • les molécules naturelles, présentes dans la nature,
  • les molécules identiques nature, reproduites en laboratoire mais existant à l’état naturel,
  • les molécules artificielles, créées par la chimie (comme la calone).

Ces dernières ont permis à la parfumerie de s’émanciper de la simple reproduction du réel pour entrer dans une dimension créative et narrative.

Le naturel est-il toujours sans danger ?

Le mot « naturel » est souvent mal compris.

Une huile essentielle utilisée pure, sans maîtrise des seuils allergènes, peut être dangereuse. À l’inverse, les parfumeurs travaillent avec des cahiers des charges extrêmement stricts, des seuils réglementés et une connaissance approfondie des matières premières.

Le risque n’est pas l’ingrédient, mais son mauvais usage.

Naturel et synthèse : deux langages olfactifs complémentaires

La conférence a mis en lumière une distinction très juste :

  • le naturel est bavard : facetté, évolutif, vivant,
  • la synthèse est précise : linéaire, ciblée, efficace.

Certaines odeurs - le muguet, la fraise, le coton, la neige - n’existent pas sous forme d’extraits naturels. Elles sont le fruit de l’imaginaire du parfumeur.

Le prix ne fait pas la beauté d’un parfum

Un autre point essentiel : une formule chère n’est pas forcément belle, une formule naturelle n’est pas forcément harmonieuse.

La beauté d’un parfum repose sur le savoir-faire, la gestion des équilibres et la vision créative. On peut créer de très beaux parfums à budget maîtrisé, comme on peut rater une formule pourtant coûteuse.

Conclusion : le yin et le yang de la parfumerie

Opposer naturel et synthèse n’a plus de sens. La parfumerie se construit dans leur dialogue permanent, entre matière vivante et précision scientifique.

Le véritable enjeu aujourd’hui n’est pas de choisir un camp, mais de mieux expliquer, mieux nommer et mieux transmettre - pour redonner au parfum toute sa noblesse et sa complexité. Un enjeu clé pour les marques, le marketing et la relation de confiance avec les consommateurs.